Benyamin Netanyahou, au pouvoir depuis 2009 donc depuis dix ans après un premier mandat de trois ans est en passe de dépasser le record de longévité à la tête du gouvernement israélien qui était jusqu’alors détenu par David Ben Gourion, le fondateur de l’État en 1948. David Ben Gourion, lors de la déclaration d’indépendance en 1948, pose Israël en État juif et démocratique en s’engageant à garantir l’égalité entre tous ses citoyens, qu’ils soient juifs ou arabes. Netanyahou, au contraire l’année dernière fait adopter une loi à valeurs constitutionnelles intitulée « Israël comme État-nation du peuple juif », qui ne mentionne même pas le terme de « Démocratie » et qui instaure une discrimination de fait entre deux catégories de citoyens : les Juifs et les Arabes. Les agrégats économiques sont particulièrement favorables à Netanyahou en termes de croissance, d’investissements, et de niveau historiquement bas du chômage. Cependant, il faut noter qu’au sein de l’OCDE Israël est le pays où les différences sociales où les inégalités sont les plus importantes. Donc effectivement, un modèle très libéral complètement ancré dans la mondialisation, entre autres par les nouvelles technologies mais qui ne profite pas à tous les Israéliens, bien au contraire. Israël est toujours une démocratie très vivace, très vivante, on le voit au cours de cette campagne électorale et on le voit avec le fait qu’elle est précisément ouverte. Néanmoins, il y a eu des dispositions législatives qui ont été prises qui sont très troublantes d’abord à l’encontre des Arabes israéliens puis à l’encontre des ONG de défense des droits de l’Homme qui sont traités comme une « cinquième colonne » entre guillemets au service d’intérêts étrangers et qui sont donc bridés, discriminés, et l’objet de toute une série de harcèlements qui augurent très mal de l’état, de l’avenir de la démocratie israélienne si Netanyahou venait à être reconduit au pouvoir. Netanyahou n’a jamais cru à un accord avec les Palestiniens. Durant son premier passage à la tête du gouvernement de 1996 à 1999, il a été contraint de donner le change par rapport à l’administration Clinton notamment en signant un accord de retrait partiel de la ville palestinienne de Hébron, où 800 colons continuent d’être protégés par des milliers de soldats israéliens au cœur d’une agglomération de 200 000 Palestiniens. Depuis il n’a plus fait aucun geste bien au contraire : il a intensifié la colonisation dans la Cisjordanie occupée en bloquant la « Zone C » c’est-à-dire celle qui est exclusivement d’autorité israélienne pour y développer les implantations. Il a aujourd’hui avec Donald Trump à la Maison Blanche un allier pratiquement inconditionnel qui lui a accordé le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem et l’abrogation de l’accord sur le nucléaire iranien. Il a aussi d’excellentes relations avec Vladimir Poutine même s’il a un peu surestimé la bonne volonté de celui-ci sur le dossier syrien. Il est l’ami des dirigeants chinois, indiens et tout récemment du nouveau président brésilien dont la base évangélique est extrêmement pro-israélienne. Netanyahou n’arrête pas d’agiter une possible alliance avec les monarchies du Golfe, et en particulier l’Arabie Saoudite. Cela fait dix ans qu’il martèle que ces pays seraient favorables à Israël du fait de la priorité qu’ils accorderaient à la menace iranienne sur la question palestinienne. Mais officiellement rien de rien pour deux raisons : d’abord la question de Jérusalem troisième lieu saint de l’Islam, est une ligne rouge pour tous ces dirigeants à commencer par l’Arabie Saoudite. Ensuite, Mohammed ben Salmane, l’homme fort de l’Arabie Saoudite dont il est le prince héritier, a toujours beaucoup de mal à se remettre de l’affaire Khashoggi qui a ruiné son crédit auprès des États-Unis, ce qui, évidemment, pose un problème sérieux dans l’éventualité d’une relance du processus de paix. On a à droite, le parti dominant dirigé par Benyamin Netaniahou le likoud, qui a des alliances avec l’extrême droite, que celles-ci soient appuyées sur les colons, sur l’électorat russophone ou tout simplement sur les racistes anti-arabes. Et puis on a la grande nouveauté depuis quelques semaines de ce qu’on appelle l’alliance « Bleu et Blanc », donc autour de Benny Gantz, ancien chef d’État Major qui serait aujourd’hui crédité d’un peu plus de sièges que le Likoud. Cette alliance est très clairement centriste vu que outre Gantz ses piliers sont d’anciens ministres de Netaniahou positionnés au centre ou à droite, d’ailleurs elle espère attirer une partie de l’électorat du Likoud. Et puis on a la gauche travailliste qui est en chute libre, l’ancien parti Kadima qui avait été fondé par Sharon en 2005 lors de sa recomposition de la scène politique au centre.
À part il y a la gauche des travaillistes qu’on appelle le Meretz, qui défend des principes pacifistes et puis deux regroupements qu’on qualifie de « Partis arabes » mais on y compte des parlementaires juifs notamment héritiers de la tradition communiste binationale. Netanyahou partait gagnant d’emblée de ces élections. Or le double coup de théâtre de la coalition « Bleu et Blanc » d’une part et de la triple procédure d’inculpation pour corruption d’autre part a bouleversée la scène israélienne. Aujourd’hui il y a autant de chances que Netanyahou soit reconduit à la tête du gouvernement qu’il y en a qu’il soit renvoyé à ses foyers. La marque que Netanyahou a laissée sur Israël dès aujourd’hui est profonde. C’est un refondateur de l’État au même titre que Ben Gourion avait été son fondateur en 1948. Et d’une certaine façon le système Netanyahou ou cette américanisation de la vie politique, cette focalisation sur un ennemi intérieur qu’il soit arabe, de gauche, ou lié à une justice qui voudrait la chute du Premier ministre, tout cela va laisser des traces